O.

O. c’est comme zéro.
Ça existe dans notre esprit.
Mais ça n’existe pas.
Rien, ça n’existe pas.
Comme O. qui n’existe pas.
Enfin pas tout à fait.
O. existe mais pas dans le reflet du miroir.
Enfin il y a quelque chose ou peut-être rien.
O. ne sait pas mais en tout cas ce n’est pas O. dans le miroir.
O. sait qu’il existe.
Quelque part.
Mais pas ici en tout cas.
Du moins pas dans le reflet vide du miroir.

O. a grandi.
Du moins un peu.
O. se sent un peu plus consistant qu’avant.
Peut-être que c’est parce que O. a rencontré des gens comme lui.
Enfin un peu comme lui.
Mais pas tout à fait comme lui.
Le miroir est toujours là.
Devant O.
Il y a quelque chose dans le miroir devant O.
C’est un peu flou mais ça existe.
Cela veut peut-être dire que O. existe ?
Mais O. n’en est pas sûr.
Il n’a jamais trop aimé ce miroir de toute façon.
Il est banal, sale.
Il ne parvient même pas à refléter O.
Enfin juste ses jambes et ses pieds.
C’est peu, mais c’est déjà ça pour O.
Mais O. n’est toujours pas complètement là.
Du moins pas dans le reflet vide du miroir.

O. a encore un peu grandi.
Pas de beaucoup, mais un peu quand même.
O. a rencontré d’autres gens.
Des gens un peu plus comme lui mais pas tout à fait.
Pendant un moment, O. a cru voir quelque chose dans le miroir.
Quelque chose de pas tout à fait complet, mais quelque chose quand même.
C’est déjà ça pour O.
D’ailleurs, en y regardant de plus près, ce miroir n’est pas si horrible que ça.
Il a une jolie forme ovale avec un cadre que O. a peint.
Dans plein de couleurs différentes.
Ça lui rappelle un peu tous ces gens qu’il a rencontrés.
Mais voilà, O. a rencontré d’autres gens.
Des gens un peu plus comme lui.
O. les aime bien mais pas trop aussi.
Peut-être parce qu’eux arrivent à avoir un reflet.
O. aimerait avoir le courage qu’ils ont de se voir dans le miroir.
Alors O. regarde dans le miroir, mais il n’espère plus y voir grand-chose.
Il espère y trouver une forme un peu moins floue.
Mais il ne reste plus grand chose de O.
Du moins pas dans le reflet vide du miroir.

O. continue de grandir.
Et il espère continuer.
O. a rencontré d’autres gens.
Des un peu plus comme lui et des un peu moins comme lui.
Mais des gens qui ont des reflets et d’autres non.
Un peu comme lui.
Alors O. réfléchit.
Sur les reflets, sur ceux des autres.
Sur le sien.
Celui qu’il ne voyait pas toujours ou pas du tout.
Mais son reflet.
Le sien.
Certes il n’est pas toujours complet, enfin pas tous les jours.
Mais il existe.
Maintenant quand O. regarde dans le miroir, il y voit quelque chose.
Pas toujours ce qu’il souhaiterait y voir.
Mais il y a quelque chose.
Car dans le reflet du miroir il y a enfin O.
Le O. que O. perçoit dans son esprit.
Le vrai O.
Celui que le miroir lui renvoie.